mercredi

Avoir un chez moi. Ca ne m’était jamais arrivé auparavant. Je m’y sens bien. J’aime cette nouvelle vie, peut-être… cette collocation…
Sasha est rentré dans la matiné. Je n’ai pas tout compris. Il avait l’air un peu perdu, un peu patraque, pas très clair. Je lui ai préparé deux poteaux… Il est allé se coucher.
Il est midi. Je mange deux-trois pâtes rapidos. Il se lève, grignote. Rien que de le voir, je m’apaise…
Hier, il a démissionné, passé la nuit au poste. Retrait de permis. Notre petit monde se fissure, s’échappe ; nous échappe. Nos repères s’envolent…
Retour de la peur.
Je bouquine « Crave » de Sarah Kane. Cette mistinguette me touche, je m’identifie facilement à ses personnages. Brisés, cassés. Bon humour noir, avec malgré tout une lueur d’espoir.
Sasha repart, je ne sais où…

16h. On toque à la porte.
C’est Maxime, tout essouflé. Je ne lui pose pas de questions, il peut venir quand il le souhaite.
Il part jouer à la Nitendo, un jeu de rallye je crois.
Le voilà qui hurle. Qu’est-ce qui le panique à ce point ?
Napoléon a sortit Joséphine de son bocal et joue avec. C’est un carnage. J’essaye de m’interposer mais il a déjà gobé mon petit poisson rouge. La fureur et la rage montent… Je lance le chat à travers la pièce, il rebondit contre un mur et se planque sous une étagère.
Max a l’air tout chamboulé. Ca me calme. Je lui explique que je tenais beaucoup à ce petit poisson qui me suivait depuis longtemps.

16h30. Revoilà quelqu’un à la porte. Qui sonne cette fois. C’est une fille effarée et un peu con. Elle m’explique qu’elle s’appelle Iza. Max s’est sauvé, elle était censée le garder.
Au moment où je l’invite à entrer, Napo vomit à ses pieds. C’est immonde. De plus, ses godasses sont foutues. La mademoiselle devient verte, me demande où sont les toilette et s’y met aussi… C’est la fête !
Max, lui, trouve ça plutôt rigolo.
Iza paraît génée. Elle tente vaguement de convaincre Maxime de rentrer. Il ne cèdera pas. Elle a toujours le teint verdâtre et appelle Madame M.

19h. La mère vient récupérer son petit monstre. Cela dit, avec moi, il est toujours adorable.
Il était temps. Ce soir, je taf. Ce soir, je sors, seule… Sasha se démerdera.
Dans l’allée, je croise la vieille. Encore affutée d’une de ses ignobles robes à fleurs. Elle me regarde bizarrement. Je claque violement la porte de l’immeuble.

Sasha a démissionné… A t-il pensé à moi ? Un seul instant ? Moi aussi je hais mon boulot. Il me ronge, s’empare tout doucement de mon corps, m’épuise. Je me répugne. Tellement honte quand je me prépare pour aller bosser. Quand je ne bosse pas, je n’ose plus me faire belle… De plus en plus laide, vieillie avant l’âge, bien trop tôt… Corps qui se dégrade, esprit qui de perd, vagabonde… Et maintenant, sans la paie de Sasha, au fond de moi, je sens que mes soirées tapins vont doubler, la came également. Pour tenir… Je m’enfonce mais je n’ai plus le choix. Je l’ai peut-être eu. Je ne sais plus. Je ne l’ai jamais su…

1h. Retour. En prévision j’ai enchaîné les passes. Et couru après deux grammes de dré.
Je suis vidée, claquée. Ne plus jamais réagir, ne plus ressentir, ne plus jamais penser. Surtout… dormir…
Dès le deuxième étage j’entends le juke-box, des voix. Je voulais être seule…
Craquage…
Tous chépers, Sacha qui me sourit. Joséphine…
Il est crevé mais je m’en fous. Il paraît que c’est de ma faute, que j’oublie toujours de nourrir le chat… Mais c’est SON chat ! Et MON poisson rouge ! Ou plutôt c’était…
Ses amis s’excusent comme ils peuvent. Ce n’est pas à eux que j’en veux. Comment le pourrais-je ? Des ptits gars comme ça… Petites bouilles de cras, de trans, de travellos. Adorables et perdus. Je ne pense qu’à moi. Sasha à le droit d’en profiter, et puis huissier c’est pas une vie pour lui…
Je suis de retour dans ses bras. Je pleure, j’évacue, je suis bien. Il me laisse prendre mon temps, me fait un shoot de rabla. Mon corps est envahit par une infinité de sensations. Je revis, enfin…
J’ai envie de lui…