début du mercredi mélangé

La vieille

mercredi


C'est l'été, je vole au dessus d'un jardin parfumé, les oiseaux chantent, le soleil brille, je me pose sur une terrasse d'une maison à la campagne, il y a quelques pâtisseries et du café sur une table de jardin. Je suis là, jeune, lucide, en bonne santé. La terrasse ressemble beaucoup à celle de la maison de ma fille mais le jardin est plus grand, les arbres plus hauts. Et ici il y a une plage tout près... Je me promène, je croise ma fille, elle est jeune, très jeune même, elle a peut être sept ans. Je suis en train de voir les choses comme une femme qui est en âge d'être sa mère, c'était il y a lontemps... Pourtant je ne connaissais pas cet endroit à cette époque, elle n'y habite pas depuis une longue période. C'est comme une coupure dans le temps...Au moment ou la vieillesse va arriver... rester éternelle... Je m'envole de nouveau, la vie est magique, façile, la plage vide aux couleurs claires, du haut de mon vol dans l'air chaud je vois quelqu'un de dos, il est jeune... Je me retourne c'est mon mari, il est ici, bien vivant, il me regarde, je vais vers lui, veux lui parler... Je veux redescendre mais je n'y arrive pas, je veux parler mais il ne m'entend pas, je crie, pas de réponse, les oiseaux chantent il fait chaud mais une brise légère et froide me frappe le visage et la nuque. L'image devient bleu, grise puis noire...J'ai l'impression d'entendre des mouettes chanter... J'ouvre les yeux, je vois ma chambre, triste, sombre, le soleil se lèvera peut être dans deux heures. Le doux bruit des chants d'oiseaux en été est remplacé par des cris de ménates. Il fait un froid glacial, moi qui mets presque toujours le chauffage au maximum l'hiver. Je réussis à me mettre debout très difficillement, à enfiler de chaudes pantouffles et veste de chambre. Je me dirige avec peine en direction des ménates, ils sont réveillés anormalement tôt... La fenêtre de la pièce où ils se trouvent devait être mal fermée hier soir, le vent souffle très fort et l'a sûrement ouverte pendant la nuit... Ils ont pris leur revanche sur moi aujourd'hui, je leur rendrais demain... Pas question de retourner me coucher, je fait ma toilette et prends mon déjeuner.

Sacha n’est pas rentré, j’ai passé la nuit seul sur son lit. Au moins cette-fois ci je ne me suis pas pris de coup de genoux, ni fait écraser pendant mon sommeil….
Je m’étire longuement sur le lit, je fais mes griffes sur la porte de la chambre, avant de rejoindre la cuisine.
Dans mon bol, encore des croquettes…toutes ramollies…celles de la veille, qui avaient déjà passé la journée à l’air…
J’en croque une pour voir…berk…vraiment dégueulasse…
Je vais me poster sur le rebord de la fenêtre du salon, et passe des heures à observer dehors…


Nuit difficile .
Tremblements - frissons - douleures musculaires ... crâne en bataille ... manque .
On me réveille , on sourit ... se moque .
Il est tôt .
L'armée rouge a défiler toute la nuit dans ma petite boite vide .
"Lèves toi ! Tu vas voir ton avocat !"
Souffrance .
On perd du temps à parler de choses qui n'ont pas de solutions ... qui n'évolueront pas ...
A peine le temps d'un demi-tour des rouges ... et basta !
Douleur .
Retour en cellule .
Obsession .
Je m' efforce de rester calme ... m'allonge et ferme les yeux .
Pas de capitulation ! Le combat des rouges perdure ...
Obsession .
Souffrance - Douleur - Dépendance .
Obsession .
"Debout !"
Déposition : Justifications d'usage ... Fausses excuses et mauvaise foi universelle ...
Obsession .
Retour en cage .
Obsession .
Douleur .

La porte s'ouvre à nouveau ...
Défroqué , sans lacets ... mais plus entre quatres murs ...
LIBRE .
Obsédé .
Souffrance - Douleur - Dépendance .
RENTRER !
Obsession .
RENTRER !
Mes pattes ... folles .
Mes muscles ... atrophiés .
Mon cerveau ... encombré .
Armée rouge ... hyperactive .
Obsédé .
Souffrance -Douleur - Dépendance .
Mon corps s'effondre .
Mes poignées adhèrent ...
Le bitume m'absorbe...
Mes os brulent...
Mes jambes suppurent...
Obsession .
Souffrance .
Mes palmes en acier ... traînent .
Douleur .
Mes articulations rouillent ...
Dépendance .
Mon crâne se désagrège .
Obsession .
Obsession .
Obsession .
Obsession .
Obsession .

Je suis troublé. Hier, ce visage. Ces yeux. Il est neuf heure. Je vois la voisine par la fenêtre. Elle part. Cette femme. Etrange.
Je pense, je me souviens. Tout resurgis. J’ai tué quelqu’un. Une femme. Blonde. Les yeux marron. Une vision. Son odeur. Je suis trempé. J’ai peur. Je suis fini. ELLE est finie.


J'ai dormi tellement profondément que j'ai besoin de quelques secondes pour savoir qui je suis et ou je suis. Je ne me souviens pas si j'ai fait le cauchemar de la nuit dernière: le somnifère balaye tout.
Le mercredi matin quand je ne travaille pas j'emmène Max à la bibliothèque. Ca nous fait du bien a tous les deux. Max lit des bandes dessinées et me laisse tranquille. Moi je m'installe sur des coussins avec un roman. Je m'oublie un peu, c'est pour ca que j'aime tellement lire.
J'en emprunte plusieurs, j'en emmenerais un au travail, je le lirais plutôt que de parler à l'étudiant.
Mon portable sonne, je sors précipitemment de la bibliothèque. C'est le père de Thibault qui appelle pour le dîner. Cette fois je dis oui pour demain soir.

Ce matin, j'accompagne maman à la bibliothèque. Ca me dérange pas trop parce qu'il y a plein de bouquins et de bandes dessinées à lire, et en plus maman prévoit toujours un paquet de bonbons pour moi, au cas où je trouve le temps trop long. Ce qui m'agace par contre, c'est le "silence obligatoire" et "l'interdiction de courir". En gros, on s'assoie dans un coin et on bouge plus pendant plusieurs heures! Désolé, mais c'est impossible pour moi. Même quand je lis Harry Potter, au bout d'un moment, c'est plus fort que moi, il faut que je bouge... Enfin, je prends mon mal en patience, et je vais réclamer quelques bonbons à maman, histoire de lui faire comprendre que je commence à en avoir marre

Avoir un chez moi. Ca ne m’était jamais arrivé auparavant. Je m’y sens bien. J’aime cette nouvelle vie, peut-être… cette collocation…
Sasha est rentré dans la matiné. Je n’ai pas tout compris. Il avait l’air un peu perdu, un peu patraque, pas très clair. Je lui ai préparé deux poteaux… Il est allé se coucher.
Il est midi. Je mange deux-trois pâtes rapidos. Il se lève, grignote. Rien que de le voir, je m’apaise…
Hier, il a démissionné, passé la nuit au poste. Retrait de permis. Notre petit monde se fissure, s’échappe ; nous échappe. Nos repères s’envolent…
Retour de la peur.
Je bouquine « Crave » de Sarah Kane. Cette mistinguette me touche, je m’identifie facilement à ses personnages. Brisés, cassés. Bon humour noir, avec malgré tout une lueur d’espoir.


Mercredi
Mange avec Shu
Quelques bruits me réveillent , j'ouvre mes yeux , c'est le bruit du chauffage ; "Miao..." le chat est dans le couloir . Je me souviens que Shu va venir manger avec moi aujourd'hui , je prends mon portable pour savoir l'heure , il est dix heure du matin . Je m'habille et ouvre les rideaux , il fait beau aujourd'hui , je range un peu ma chambre et fais un thé , je m'assois devant ma fenêtre , ma famille me manque .
Il arrive vers onze heure , on commence à préparer les choses pour faire des raviolis ; j'aime bien en manger , mais je n'en fait pas souvent , parce que la fabrication est vraiment très compliquée: il faut hacher de la viande et des légumes , faire des pâte pour la peau , je fais très mal la peau ,parce que dans mon pays natale , on fait pas souvent des raviolis, c'est plutôt au nord de chine . Shu vient du nord de la Chine:même s'il est un garçon, il sait bien faire. J'hache des céleries et du porc pour l'intérieur, Shu fait la peau ; Une heure après , on commence la fabrication. Il m'enseigne comment les faire plus jolis et plus vite, il est vraiment soigneux et féminin .
"Tu as une copine ? je demande
Non ...enfaite , j'aime un garçon
C'est pas vrai , tu es homosexuel...
Ha ha , je ne suis pas sûr , mais pour l'instant j'aime un garçon , je sens la sécurité avec lui ; mais ...
Mais quoi... tu me plaisante ou quoi
Non , je te dis la vérité ,mais il est un garçon normal ,il aime les filles pas moi , il me déteste maintenant
Mais ...c'est pas possible..."
Je ne sais pas je dois dire quoi ; il voit un peu pessimiste ,il y a de la tristesse dans ses yeux .
"Tu as commencé à étudier la fabrication des cartes ? je change de sujet
Pas encore, mais je commence à lire des livres à propos de ça , c'est pas facile mais ça m'intéresse beaucoup, c'est comme si je pouvais tenir la terre entre mes main..."
On finit de manger vers trois heure, on a trop mangé
"Je ne peux plus bouger , dit-il
Moi aussi
C'est nul , les vacances
Oui, un peu, il y a trop de vacances en France; les français sont confortables
Après tes études tu vas rester ici ?
Je veux bien retourner; j'aime bien vivre proche de ma famille, et toi
Je suis retournée en Chine cette année , pendant les vacances d'été , oh ... super fatiguée
Oui , ça c'est sûr , tu es resté en Chine pendant combien de temps ?
Un mois , ça passe hyper vite , il y avait toujours des repas ; avec les familles , les amies , j'étais très occupée
Imagine , nous les chinois; on a l'habitude de discuter de toutes les choses à table.


Je repense à mon rêve, je suis dans la triste réalité de quelqu'un qui a déjà trop vécu, cette pensée ne me quitteras pas de toute la journée, peut être une journée de déprime... Je passerai ma matinée à me reposer devant mon tricot et la télévision. Ces pauvres ménates en profiterons pour dormir... Je tricote un pull pour mon petit fils Paul. Ils vont venir manger ce midi avec ma fille, il a dix ans, ma fille et son mari ne peuvent pas le garder car ils travaillent. Je suis contente de les voir... Je vais leur préparer un bon repas... Une des rares choses que je puisse faire pour les inciter à venir me voir plus souvent... Ils sont très occupés. Moi je passe mon temps à rendre le temps plus long... J'ai l'impression que c'est l' inverse pour eux... Le repas de midi sera lourd, complet... Je vais même spécialement à la boulangerie. Ils arrivent tout les deux vers midi et demi, la table est déjà mise. Paul aime venir ici, je crois que c'est parce que je lui achète souvent quelque chose. De plus, il a sa propre pièce pour jouer. Cet appartement me paraît toujours vide et immense maintenant que je vis seule, et de nombreuses pièces pleines de souvenirs restent fermées.
Ma fille ne reste pas lontemps, elle doit retourner travailler. Paul passe tout le début de l'après midi à jouer aux voitures. Ensuite nous allons nous promener autours des magazins de jouets, pendant la période de Noël, ils sont encore plus attirants que d'habitude. J'en profite pour savoir quel sera le jouet le plus approprié à lui offrir... Je lui achète aussi une figurine en plastique qui pour moi n'a aucun intérêt... Je ne comprends plus rien aux jouets d'aujourd'hui... Le soir je mange seule et de bonne heure...

Vers midi je commence à avoir vraiment faim…Louise se fait à manger, je réclame en espérant qu’elle me donnera quelque chose, mais elle me pousse du pied vers mon bol, me disant que j’ai déjà à manger et que mon cinéma ne prend pas avec elle…
Pffff…j’aimerais bien là voir à ma place…on verrait si elle les mangerait ces sales croquettes dégueulasses toutes ramollies et rancies !!
Sacha est rentré dans la matinée et est retourné se coucher directement en arrivant…Il se relève à midi pour manger avec Louise, mais lui non plus ne me donne rien de plus que ces satanées croquettes ignobles…Il n’a pas l’air d’humeur en plus…Je n’insiste pas.
Pourtant j’ai faim.